Un partenariat fort avec l'association AURORE

Expérimentation

Ile-de-France

Innovation

Publié le 14/03/2018

Au terme de six années de partage d’expériences réussies, le groupe Poste Habitat et l’association Aurore ont signé, le 13 mars 2018, une convention de partenariat afin de formaliser leurs engagements communs et ce partenariat fort, durable et novateur.

Entretien avec Eric Pliez

Directeur général depuis 2001 de l’association Aurore qui compte aujourd’hui 1 800 salariés, 1 millier de bénévoles et accueille 30 000 personnes par an. Eric Pliez est par ailleurs Président du Samu Social.

Depuis quand travaillez-vous avec Toit et Joie et quel est l’intérêt de la signature de cette convention entre votre organisation et un bailleur social ?

Notre première rencontre a eu lieu il y a 5 ans, lorsque nous cherchions à accueillir plus dignement des personnes sans domicile. Toit et Joie a eu l’opportunité de récupérer des locaux et a proposé de nous héberger dans de véritables logements. Cela a marqué le début d’un riche partenariat. Notre vocation est l’accompagnement des personnes, et non celle d’être propriétaire. Pourtant, il est indispensable que le propriétaire des locaux soit un véritable partenaire connaissant notre activité et notre manière de fonctionner. Avec Toit et Joie, nous travaillons régulièrement à des logements transitoires ou définitifs, mais aussi à la mise en place d’expériences innovantes. Par exemple, la création d’une équipe mobile qui se rend chez des locataires repérés comme étant en grande difficulté, pour les amener vers le soin ou plus de lien social. Cette convention formalise notre volonté commune d’avancer ensemble, de manière pérenne sur le sujet de la grande précarité.

Les autres organismes Hlm sont-ils sensibles à votre action, quel lien avez-vous tissé au fil des années ?

Une grande partie des locataires du parc des bailleurs est en grande difficulté. Pendant longtemps, il y avait « un mur » entre les gens précaires mieux logés et les personnes sans logement. Aujourd’hui, les bailleurs s’intéressent à notre cause et souhaitent proposer des parcours ou des solutions à ces publics. Nous travaillons avec d’autres bailleurs parmi eux, Toit et Joie et La Sablière, sont des partenaires privilégiés. Ces deux sociétés ont des histoires similaires liées à l’émancipation de leurs salariés avec un engagement social très prononcé. Les retombées de nos actions communes ont eu un effet boule de neige auprès des autres bailleurs aujourd’hui moins hésitants à mettre à disposition des sites temporaires.

Avec « Un chez soi d’abord », la convention fait état de « projets d’expérimentation ». En quoi cette qualification est-elle importante ?

« Un chez soi d’abord » était un projet d’une durée de 3 ans, évalué de manière régulière pour en mesurer la plus-value sociale et financière. Au terme de cette période, nous avons pu pérenniser le dispositif. Toit et Joie est un acteur moteur dans la mise en place de dispositifs expérimentaux. Ceux-ci sont essentiels pour trouver des issues à la grande précarité. Le dernier projet en date traite de la question de l’illettrisme chez les locataires. Le statut des bailleurs sociaux est fortement bousculé voire complètement remis en cause. Il semble que le gouvernement veuille aussi mettre de l’ordre dans le monde associatif.

Quel regard portez-vous sur ces bouleversements ?

Aujourd’hui, les associations et les bailleurs sociaux ne sont pas assez consultés. C’est une erreur. Les mieux placés qui ont une expertise de terrain sont les acteurs directs. Ce qui touche le monde des Hlm nous touche également. Nos publics sont par nature ceux qui sont éligibles à l’APL. Je crains que les dispositions actuelles soient un frein à la construction et à l’accueil de nos publics. Or, justement, les faibles ressources doivent accéder au logement !

Financièrement, avez-vous été impacté ?

On nous annonce des impacts importants d’environ -10% sur nos budgets de fonctionnement. Les postes touchés sont le personnel (accompagnement des personnes), le logement et la logistique. Ce qui pose un vrai problème. Le nombre de personnes ne parvenant plus à se loger est en augmentation, comment expliquez-vous cela ?

Quels seraient les leviers permettant que la situation change ?

Je vais parler avec un regard francilien. En Île-de-France, on a un problème de manque de logement et un manque de fluidité du système. Cela ne circule pas : on n’arrive pas à ce que la chaine fonctionne normalement. Par ailleurs, nous devons travailler à la mobilité des personnes qui ont de véritables difficultés à quitter Paris et s’installer ailleurs. Il faut donc travailler en amont à un accès à l’emploi. C’est ce que nous faisons avec le dispositif « Un chez soi d’abord », expérience très positive que l’on mène avec le bailleur Polygone à Aurillac. Une autre réponse est de changer les règles d’accès aux titres de séjour et de droit du travail pour les personnes étrangères non expulsables. Cela pourrait les sortir de l’hébergement temporaire. C’est un véritable enjeu aujourd’hui.

Pensez-vous être entendu par les pouvoirs publics ?

Nous sommes entendus dans la mesure où les crédits ne baissent pas pour les quotas – à ne pas confondre avec la répartition d’utilisation des crédits que nous venons d’évoquer et qui touche la nature de notre métier. C’est une contradiction : il y a à la fois une volonté de créer des places, et d’aller vers de l’accès rapide au logement mais sans garantir les moyens de fonctionnement des associations. Alors que plus on accompagne les personnes, plus vite elles sortent du dispositif. Toucher à ce qui fait la richesse et le sens de notre métier, « l’accompagnement », c’est ralentir le succès d’une sortie rapide des dispositifs.

Vous arrive-t-il de douter ?

Parfois, le chantier est immense. Ce qui nous fait continuer c’est que les personnes doivent être à l’abri. Cela est rendu possible grâce à un travail de conviction mené auprès des pouvoirs publics. Par ailleurs, nous vivons aussi de très belles histoires. Elles nous permettent de continuer à y croire et nous démontrent que c’est possible ! La grande majorité des gens veut à tout prix s’en sortir.

Toit et Joie s’est dotée d’une direction de la culture avec entre autre pour mission la cohésion sociale et le vivre ensemble. Qu’en pensez-vous ?

On s’aperçoit au fil des années que la place que la culture est primordiale pour l’autonomisation des personnes. Nous-mêmes, au fil des années, nous avons noué des relations étroites avec des musées et des établissements nationaux comme la Philharmonie etc. Je trouve formidable qu’un bailleur social se saisisse enfin de cette dimension.

 

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